Émilie Chaix

 » Les hommes civilisés maintiennent une distance toujours plus grande avec l’organique, le sang, l’animalité – croyant ainsi échapper à la cruauté de l’énigme. Le lien semble être rompu d’avec nos origines, le primitif est désormais hors d’atteinte. Dans l’intimité de mon atelier, je tente un retour vers ces territoires désertés pour interroger le mystère de notre émergence. J’ai toujours eu la passion des tissus, des dentelles et des couleurs. Pour Christian Lacroix, j’ai créé des parures qui, organes amovibles, exaltaient une féminité magique. Aujourd’hui, mes sculptures requièrent encore ce geste artisanal. Considérant la matière à la fois comme un chemin et une promesse, je m’en empare, je la déploie, la détourne, la dénature, et la réinvente. Sa chair rugueuse et sauvage fait jaillir des formes incantatoires.
Reliques d’un temps à venir, mes sculptures sont les fétiches, les totems ou les trophées d’une tribu imaginaire. Je fouille la mémoire première pour affronter les terreurs ancestrales, la beauté et la hideur s’entrechoquent, la séduction et la répulsion se heurtent, je tente la fusion du désincarné et de l’organique – j’ajuste la douceur et la violence. » Emilie Chaix